Actualités de l'institut d'anthropologie clinique

Serge Escots - 2 août 2021

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Protection de l’enfant : nouveau cadre de référence HAS

À celles et ceux qui connaissent le champ de la protection de l’enfant, il n’aura pas échappé qu’un nouvel impératif technique s’impose désormais en matière d’évaluation :

–  dans le cadre des informations préoccupantes en premier lieux,

– mais aussi pour l’ensemble des mesures en milieu ouvert ou d’accueil

– et même plus largement dans les secteurs de droits communs, de la petite enfance, du sanitaire ou du médico-social.

De quoi s’agit-il ? D’un cadre national de références opposable aux départements principaux maîtres d’oeuvre de la protection de l’enfant depuis la loi de 2007. Ce référentiel conçu par la Haute Autorité de Santé (HAS) et non par l’Observatoire National de la Protection de l’Enfance (ONPE) ou par des instances issues de l’Observatoire Départemental de l’Action Sociale (ODAS) est désormais le cadre unique à l’intérieur duquel doivent s’inscrire les pratiques.

Après plusieurs rapports accablants sur le secteur (IGAS, Sénat, Cours des Comptes) et de nombreuses controverses sur les résultats de cette mission qui interrogent acteurs, observateurs scientifiques, usagers et citoyens, une réponse centralisatrice était prévisible. Avec un référentiel national d’évaluation des situations, c’est donc par la dimension technique que l’État a choisi de recentraliser cette mission n’ayant probablement pas d’autres moyens à mettre en oeuvre.

Fournir un cadre de référence nationale pour tous les acteurs est sans nul doute une bonne idée, toutefois il est surprenant que ce soit à l’HAS que l’État ait confié cette tâche. L’étonnement ne vient pas de la compétence de cette institution dont les méthodes et les travaux sont de grandes qualités, mais de l’interrogation que suscite le fait que les institutions ayant des qualités et une expertise déjà ancienne dans le domaine aient été écartées. Ce d’autant que nous sommes cinq ans après la loi de 2016 et la démarche de consensus sur les besoins fondamentaux et spécifiques qui n’ont certainement pas encore été intégrés partout sur le terrain.

Même si le texte évoque ici ou là les besoins de l’enfant, ce nouveau référentiel ne semble pas, à proprement parler, fondé sur la démarche de consensus qui suivi la loi de 2016 et les avait mis à l’orde du jour.

À la lecture, ce référentiel produit impression et interrogation : l’impression concerne l’esprit de synthèse des recommandations et la visée d’exhaustivité des situations ; l’interrogation porte sur le risque d’usage qui pourrait en être fait. Expliquons-nous : il ne faudrait pas que par sa forme et sa méthode, par la rigueur qui s’en dégage, ce référentiel ne devienne une arme de destruction massive des relations entre professionnel·le·s et familles ; relations déjà difficiles dans de nombreuses situations. En effet, si les nombreuses précautions rappelées avec insistance tout au long du texte sont négligées au profit de la dimension « outil grille d’évaluation » bien plus rassurante, elles pourraient donner l’illusion technique d’un savoir faire à des professionnels de l’ASE aujourd’hui souvent désemparés (ODAS).

Fidèle à sa démarche et sa philosophie l’IAC travaille d’arrache-pied à l’intégration de ce cadre de référence à l’intérieur de la démarche globale d’évaluation et d’intervention en protection de l’enfant que nous avons développée. Il s’agit pour nous de continuer à doter les professionnels de véritables outils pour construire des accompagnements fondés sur la loi de 2016 et la recherche de coopération avec les familles.

Notre cycle de formation Évaluer et intervenir en protection de l’enfant sera prêt pour ce nouveau défi professionnel : intégrer le référentiel HAS dans une démarche épistémologique, éthique et pratique, fidèle aux recommandations de bonnes pratiques en protection de l’enfant et aux connaissances cliniques, savoirs-faire et postures professionnelles que nous avons construites au fil de ces années. Ce sont nos devoirs de vacances pour proposer dès la rentrée une offre de formation enrichie par ce nouvel impératif national.

Au plaisir de vous y retrouver !